Poèmes de Viola Fischerová (traduction)
Est-ce moi cela ? Sans faim sans masque sans habits sans nudité sous les ailes
d'un cygne noir qui ne forme qu'un
avec toi
Et puis soudain tu revêts ton autre visage
Trois hommes âgés te reconnaissent
Ceux pour qui croire c'est voir
La jolie fille pleine de joie que tu n'as pas été
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Tes mains me brûlent encore
Et elle retient par cœur
les chauds alezans
et l’argile de l'automne
les diverses nuances de vert
et la lumière du crépuscule
la voix sèche des cigales
et les sonnailles
derrière les puits de mines
Tout cela elle l'épouse
quand ce qu'elle perd
devient entièrement sien
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À Jana Grossmanová
Elle cherche à atteindre une ombre
d’où le dimanche elle pourra voir
tous ces corps épanouis qui rosissent
allongés sur l’herbe au soleil
bien qu’éternelle
l’image ne change rien au fait
que la verdure laisse pendre ses ailes
et commence à virer au bleu
est beau et comme sa forêt noire
repose avec grâce les collines
plus obscures et les ombres de l'aine
Mais c'est en vain
qu'elle connaît son secret
Un jour elle désirera sans rien assouvir
puis l'amour lui préparera
l'apparence d'une douce
vie de chienne
Seigneur tu m'as donné mon destin
Je ne comprends pas
ce que je n'ai pas le courage de comprendre
Je suis seulement cela qu'en moi
j'ai lié aveuglément à toi
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À Josef
Où et comment
pourrait-elle passer ses vieux jours
durant les longs après-midis d'été
Flânera-t-elle
sous les chênes majestueux
dotée d'une mémoire d'or
qui s'efface
ou dans les cafés qui l'ont vue grandir
à grignoter ce qui est pour elle
et ne l'est pas
ou alors s'asseoira-t-elle
sur le banc de la grande place
d'un village étranger
ses minces racines plongées
dans la poussière et l'argile
avec l'ancienne sonnerie
et l'odeur âcre
des étables et des écuries
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Elle ne voit pas ce qu'elle entend
et ne comprend pas ce qu'elle touche
L'odorat éveille une mémoire
mais la mémoire des yeux ne parle pas
à la mémoire de l'ouïe et le toucher
ne suscite que l'angoisse
de l'inconnu
le destin des os et de la terre
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À Pavel
Quand elle croit
la rattrapent d’anciens paysages
sous l’ardent soleil de midi
— Un jour sur cette pierre-ci tu riais
dans les vagues
tu étais vraiment heureux —
Mon Dieu
il aimait qui il aimait
à s’en briser le cœur
La première fois – un éléphanteau
Il s'en est occupé
il l'a habillé
quand le soir
il mourait de froid
Pendant les vacances
on pensait que c'était la fièvre
c'était une montagne
Il l'a abandonné
au loin seul sans lui
qui n'a pas pu dormir non plus
trois jours et trois nuits
Et ça mon Dieu
c'était
tout ce qui lui restait
Depuis combien de jours
ne penses-tu pas à moi
non plus ?
T’es-tu aussi trouvé
une autre vie ?
Et si la nuit tombait
avant que l’aube ne vienne ?
Toute la soirée
deux cygnes
se sont tenus sur l’eau noire
parfaitement immobiles.
Munich, décembre 1985-1986
Plus jamais
l'odeur de jasmin et d’herbe
par la fenêtre
les éclats de rire dans le couloir
et le claquement des sandales
les troncs des bouleaux
sur la colline au loin
Le sais-tu encore
que plus jamais ?
Pas même ce peu
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