Poèmes de Viola Fischerová (traduction)
À Marta Železná
Puis un dimanche matin
sur la place du village
son visage soudain se fige
à l'idée qu'elle ne sait pas
où et quand
déjà dans son enfance
en petite robe et bonnet
le mur éblouissant
se termine face au soleil
et que ça fait longtemps
qu'a commencé la seconde
de bonheur à venir
sur la place le matin
*******
Est-ce moi cela ? Sans faim sans masque sans habits sans nudité sous les ailes
d'un cygne noir qui ne forme qu'un
avec toi
*******
À Olga Castiello
Et jamais plus elles ne se lanceront
dans le jeu transparent
et lumineux des flammes
Elles se sont déjà consumées
À présent leurs filles brûlent
au sein du feu sacré
Les envient-elles ? Ou non ?
Les vieilles femmes prennent en silence
leurs petites-filles sur les genoux
les bercent
et les caressent
*******
Mais où au juste
dois-je aller
dans cette obscurité
parmi les étoiles
où ma jeune mère tourne
et danse
semi-virginale
ses hanches étroites
et ses yeux de renarde
Elle ne veut pas encore
de moi elle ne m'a pas
encore et encore
elle se détourne
pour regarder ailleurs
et je suis oh déjà
sa peur
et elle mon anxiété
Ce premier jardin
Là les aigles et les serpents
boivent aux yeux
de l'enfant à naître
et une licorne blanche
tue filles et embryons
dont elle est l'ennemie
Là le fleuve ne coule plus
on cuit les enfants au four
et où tu es
tu es contraire
Assez mère
Toutes deux avons avalé un serpent
Moi en toi et toi
en moi
Comme tu m'as gardée !
Une vie entière comme la prunelle
de tes yeux
qui implacables ne cillent pas
tes yeux mes yeux
Arrêtons cela
Après tout mère
tu ne me diras jamais
où aller
dans cette obscurité
où jeune fille tu danses
parmi les étoiles
*******
Et puis soudain tu revêts ton autre visage
Trois hommes âgés te reconnaissent
Ceux pour qui croire c'est voir
La jolie fille pleine de joie que tu n'as pas été
*******
Tes mains me brûlent encore
Et puis soudain tu revêts ton autre visage
Trois hommes âgés te reconnaissent
Ceux pour qui croire c'est voir
La jolie fille pleine de joie que tu n'as pas été
*******
Tes mains me brûlent encore
plus ardentes aujourd'hui sur ma peau
que dans l'herbe d'avril à la lumière du mur
où ne cesse de te chercher
mon désir autrefois nu
*******
Et elle retient par cœur
les chauds alezans
et l’argile de l'automne
les diverses nuances de vert
et la lumière du crépuscule
la voix sèche des cigales
et les sonnailles
derrière les puits de mines
Tout cela elle l'épouse
quand ce qu'elle perd
devient entièrement sien
*******
À Jana Grossmanová
Elle cherche à atteindre une ombre
d’où le dimanche elle pourra voir
tous ces corps épanouis qui rosissent
allongés sur l’herbe au soleil
bien qu’éternelle
l’image ne change rien au fait
que la verdure laisse pendre ses ailes
et commence à virer au bleu
Comme le corps de sa jeune chienne
est beau et comme sa forêt noire
repose avec grâce les collines
plus obscures et les ombres de l'aine
Mais c'est en vain
qu'elle connaît son secret
Un jour elle désirera sans rien assouvir
puis l'amour lui préparera
l'apparence d'une douce
vie de chienne
Et elle retient par cœur
les chauds alezans
et l’argile de l'automne
les diverses nuances de vert
et la lumière du crépuscule
la voix sèche des cigales
et les sonnailles
derrière les puits de mines
Tout cela elle l'épouse
quand ce qu'elle perd
devient entièrement sien
*******
À Jana Grossmanová
Elle cherche à atteindre une ombre
d’où le dimanche elle pourra voir
tous ces corps épanouis qui rosissent
allongés sur l’herbe au soleil
bien qu’éternelle
l’image ne change rien au fait
que la verdure laisse pendre ses ailes
et commence à virer au bleu
*******
est beau et comme sa forêt noire
repose avec grâce les collines
plus obscures et les ombres de l'aine
Mais c'est en vain
qu'elle connaît son secret
Un jour elle désirera sans rien assouvir
puis l'amour lui préparera
l'apparence d'une douce
vie de chienne
*******
À Vladimíra T.
Oh qui pose encore des questions
sur sa vertu et le nombre
de lits où elle tua le désir
la forme de ses yeux
et la cause de sa honte
quand un matin au lit elle enjamba
le corps et rampa
de nouveau vers le jour
sans enfant qui aurait pu
être meilleur ou
plus mauvais
peintre
que lui
*******
Seigneur tu m'as donné mon destin
Je ne comprends pas
ce que je n'ai pas le courage de comprendre
Je suis seulement cela qu'en moi
j'ai lié aveuglément à toi
*******
À Josef
Où et comment
pourrait-elle passer ses vieux jours
durant les longs après-midis d'été
Flânera-t-elle
sous les chênes majestueux
dotée d'une mémoire d'or
qui s'efface
ou dans les cafés qui l'ont vue grandir
à grignoter ce qui est pour elle
et ne l'est pas
ou alors s'asseoira-t-elle
sur le banc de la grande place
d'un village étranger
ses minces racines plongées
dans la poussière et l'argile
avec l'ancienne sonnerie
et l'odeur âcre
des étables et des écuries
*******
Seigneur tu m'as donné mon destin
Je ne comprends pas
ce que je n'ai pas le courage de comprendre
Je suis seulement cela qu'en moi
j'ai lié aveuglément à toi
*******
À Josef
Où et comment
pourrait-elle passer ses vieux jours
durant les longs après-midis d'été
Flânera-t-elle
sous les chênes majestueux
dotée d'une mémoire d'or
qui s'efface
ou dans les cafés qui l'ont vue grandir
à grignoter ce qui est pour elle
et ne l'est pas
ou alors s'asseoira-t-elle
sur le banc de la grande place
d'un village étranger
ses minces racines plongées
dans la poussière et l'argile
avec l'ancienne sonnerie
et l'odeur âcre
des étables et des écuries
*******
De quel été le vent
s'en revient-il me caresser
sur le rocher
Au clair de lune
la mer est sombre
les arbres clairs dans la vallée
se blottissent l'un contre l'autre
et rongent
leur propre obscurité
Le corps passé est endormi
Apparaît sur le chemin blanc
Une ombre fixe
*******
Elle ne voit pas ce qu'elle entend
et ne comprend pas ce qu'elle touche
L'odorat éveille une mémoire
mais la mémoire des yeux ne parle pas
à la mémoire de l'ouïe et le toucher
ne suscite que l'angoisse
de l'inconnu
Elle ne voit pas ce qu'elle entend
et ne comprend pas ce qu'elle touche
L'odorat éveille une mémoire
mais la mémoire des yeux ne parle pas
à la mémoire de l'ouïe et le toucher
ne suscite que l'angoisse
de l'inconnu
Elle songe à faire ce à quoi
elle ne pense pas, fait ce qu’elle fait,
commet différentes choses
au lit pendant des jours, malgré celui
qui l'a abandonnée
et qui connaît seul
le destin des os et de la terre
*******
le destin des os et de la terre
*******
À présent
Tu ne te blottis encore
Que dans le sommeil
Un chat le jour
Des rêves la nuit
Te révèlent
Ce que tu piétines
Ce que tu ignores
Ce que tu désires
*******
À Pavel
Quand il lui vient à l'esprit
À Pavel
Quand il lui vient à l'esprit
qu'elle ne désire plus rien
un paysage révolu la rattrape
à l’ardent soleil de midi
- Un jour sur cette pierre-ci tu riais
dans les vagues
tu étais vraiment heureux -
un paysage révolu la rattrape
à l’ardent soleil de midi
- Un jour sur cette pierre-ci tu riais
dans les vagues
tu étais vraiment heureux -
Pour moi, de l'avenir, ne reste
que ce qui s'est passé.
*******
À maman
Et elle s'en va
des images aussi elle est abandonnée
fatiguée
elle ne redresse plus ses deux corps
sa personne raidie
et la maison glacée
elle ne lutte plus
jusqu'au matin en chemise
et chaussettes
Elle a déjà laissé
tout ce qu'elle n'a pas été,
a été, aurait pu être,
Cela ne lui sert plus à rien
Elle a même renoncé à la visite
qui ne vient pas
Elle est allongée en silence
et rêve de son dernier arbre
verdoyant
par la fenêtre
Traductions d'Oriane Celce.
Source : Babí hodina, de Viola Fischerová. Nakladatelství Franze Kafky, Praha, 1995.
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